Une nouvelle fois, le Cabinet se réjouit d’avoir obtenu la saisine de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question en interprétation du Règlement CE 261/2004 relatif au droit des passagers aériens subissant retards et annulations de leur vol ou se voyant refuser l’embarquement sur le vol pour lequel ils disposent d’une réservation.
Dans cette affaire, la question qui se posait était celle de savoir si un bébé de moins de 2 ans, que la quasi-totalité des compagnies aériennes autorise à voyager gratuitement ou quasi-gratuitement sur les genoux de ses parents, peut bénéficier de la protection garantie par le règlement CE 261/2004 et plus particulièrement du droit à indemnisation forfaitaire prévue par son article 7.
En effet, tout jeune parent ayant déjà pris l’avion avec son enfant sait que la quasi-totalité des compagnies aériennes propose aux bébés de moins de 2 ans la possibilité de voyager gratuitement, quasi-gratuitement ou à tarif réduit sur les genoux de leurs parents.
Longtemps a prévalu une interprétation restrictive de l’article 3§3 de ce règlement, qui dispose que :
« Le présent règlement ne s’applique pas aux passagers qui voyagent gratuitement ou à un tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public. Toutefois, il s’applique aux passagers en possession d’un billet émis par un transporteur aérien ou un organisateur de voyages dans le cadre d’un programme de fidélisation ou d’autres programmes commerciaux. »
Cette interprétation restrictive a conduit une majorité de compagnies aériennes, certaines juridictions mais également plusieurs plateformes de défense des consommateurs à exclure par principe ces jeunes enfants du bénéfice de l’indemnité forfaitaire, sans pour autant que quiconque n’imagine un instant les exclure du droit à la prise en charge et à l’assistance prévue par les articles 8 (droit au réacheminement sur un autre vol) et 9 (droit à des rafraichissements, restauration, hébergement, transport de et vers l’aéroport) du même règlement.
Or, l’article 3§3 prévoit une cause d’exclusion générale de l’application de l’entier règlement et non une simple exclusion du droit à indemnisation… Qui pourrait penser que le législateur européen a entendu exclure les jeunes enfants du bénéfice du Règlement 261 dont l’esprit, constamment rappelé par la Cour de justice de l’Union européenne est de « garantir un niveau élevé de protection des passagers en tenant pleinement compte des exigences de protection des consommateurs en général » ?
Le Cabinet soutient et défend depuis longtemps que le tarif gratuit (ou quasi-gratuit) dont bénéficient les enfants de moins de 2 ans, est « directement ou indirectement accessible au public », de sorte qu’ils ne peuvent être exclus du bénéfice de la protection instaurée par le règlement européenne, en application de la 1ère phrase de cet article.
En outre, s’ils devaient en être exclus, ce tarif gratuit est proposé par les compagnies aériennes dans le cadre d’un programme commercial, visant à pousser les jeunes parents à continuer de prendre l’avion, de sorte qu’en application de la 2nde phrase de l’article 3§3, ils doivent en toute hypothèse être réintégrés dans le bénéfice du règlement.
Ayant soutenu à de nombreuses reprises cette argumentation devant les Tribunaux français, le Cabinet a obtenu du Tribunal de Paris, deux décisions en faveur de l’indemnisation des enfants de moins de 2 ans, mais a vu les mêmes demandes rejetées par le Tribunal d’Ivry sur Seine, dans une affaire ayant donné lieu à un pourvoi en cassation sur lequel la Cour de cassation devrait rendre prochainement sa décision (nous vous en parlions ici).
Par jugement du 11 décembre 2020, le Tribunal de proximité d’Aulnay sous Bois, après avoir constaté le caractère sérieux et sériel de la question et les divergences de jurisprudences auxquelles elle donnait lieu, a décidé de faire droit à notre demande de saisine de la Cour de Justice, de sorte que nous obtiendrons – dans un délai approximatif d’un an – une réponse définitive à cette intéressante question de droit aux répercussions importantes pour les consommateurs.
Pour rappel, les décisions rendues par la CJUE s’imposent à l’ensemble des juridictions des Etats membres, contrairement aux arrêts de la Cour de cassation que les juridictions internes peuvent ne pas appliquer.
Surtout, l’expérience montre que la Cour de cassation n’est pas toujours en phase avec l’esprit de la réglementation européenne ! La longue bataille judiciaire relative à la preuve de la présence des passagers à bord des vols retardés, et de la fameuse carte d’embarquement, est encore fraîche dans notre esprit (si vous êtes passés à côté de cette histoire judiciaire à rebondissement, nous vous conseillons la lecture de notre article ici !).
Affaire à suivre, donc !
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